Interdire les transitions des mineurs :
Un rapport annonce la proposition de loi à venir
27 Mars 2024
Interdire la transition, médicale et sociale, chez les mineurs : tel est le projet des Républicains. Un rapport du groupe LR au Sénat à propos de la « transidentification des mineurs » développe leur programme avant le dépôt d’une proposition de loi.
Ils ne veulent plus que les mineurs trans puissent exister : interdiction des soins hormonaux, psychiatrisation forcée et interdiction de toute transition sociale à l’école. Pire encore, cette proposition marque la volonté de la droite et de l'extrême droite de faire du sujet trans un sujet de bataille parlementaire, déjà entamée par le RN.
Ce rapport annonce en tout point la loi à venir : il s’agit d’un simulacre d’expertise. La droite veut apporter un bagage sérieux aux paniques morales contre les femmes et les jeunes trans, paniques morales qu’ils veulent transformer en articles de loi. D’expertise, il n’y en a pas : les spécialistes, qu’ils proviennent de l’associatif trans comme de la médecine, ont été quasiment absents alors que les psys et les militants antitrans auditionnés sont légion. Pire, le texte a été co-écrit avec les psychanalystes Eliacheff et Masson de l’association antitrans Observatoire de la Petite Sirène, proche de La Manif pour Tous.
Les bases scientifiques promues par LR sont erronées. Ils arguent qu’il y aurait une « augmentation des jeunes trans » dont la cause première serait les réseaux sociaux. Pourtant, cette théorie, le « rapid onset gender dysphoria » (ROGD), a toujours été réfutée par la communauté scientifique. Ils affirment que nombre de personnes trans regretteraient leur choix de transitionner, alors que les études convergent vers des chiffres en dessous de 5 %. Des études, comme la 2022 U.S. Trans Survey, qui compte 92 000 répondants, affirment que 98 % des personnes ayant suivi des soins hormonaux en sont satisfaites.
Les sénateurs ne savent décidément pas de quoi ils parlent : ils vantent les transitions comme un parcours facile, accessible, où les mineurs seraient opérés par légion. Pourtant, force est de constater que c’est le contraire : discriminations de toute la société, discriminations à l’accès, délais d’attente jusqu’à plusieurs années, prix élevés, produits inadaptés, ruptures de stock, conséquences néfastes sur les conditions de travail et le salaire.
C’est que le projet n’est pas d’écouter les spécialistes. Parmi les « experts » auditionnés, on retrouve pêle-mêle des associations anti-trans, des psychanalystes, des militants pour les thérapies de conversion ou des médecins ne prenant même pas en charge des personnes trans ; les seules associations féministes sont anti-trans, tout comme les associations internationales. Ces mêmes « experts » sont pour la plupart membres de tout un réseau anti-trans international.
S’ils voulaient vraiment écouter des médecins et experts, ils auraient attendu le rapport de la Haute Autorité de la Santé, qu’ils ont pourtant convoquée, ou celui de l’Académie Nationale de Médecine. Tout médecin reconnaissant la nécessité d’une meilleure prise en charge des personnes trans est discrédité sous le nom de « médecin transaffirmatif ».
À côté, les personnes trans ne représentent même pas 3 % des auditionnés. Quand l'Observatoire de la Petite Sirène s'est réservé l’audition de 16 membres d'associations antitrans françaises, seules 2 femmes représentent les associations trans, et personne la recherche trans. Les associations trans, comme les associations de médecins ne partageant pas leurs points de vue, sont ignorées et leur parole est d’office discréditée, car elles viendraient de « transactivistes » et de « transaffirmatifs » ; des néologismes inventés par les anti-trans pour nourrir un fantasme de complot.
Rendre ces paniques sérieuses, tout en discréditant et excluant l’expertise des associations et des recherches trans, est un passage nécessaire pour engager l’adoption de leur projet, tant à l’échelle parlementaire que médiatique. Ils veulent rendre inaudibles les personnes trans.
La droite ne se cache même plus : elle a théorisé une lutte contre l’« autodétermination ». Cette proposition de loi est dans la continuité des prises de position de la sénatrice à son initiative, Jacqueline Eustache-Brinio, qui a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG et souhaite revenir sur la loi interdisant les thérapies de conversion pour les personnes trans.
Leur but n’est pas de défendre les mineurs, mais de forcer le contrôle des corps. LR appelle à la suppression de la « circulaire Blanquer » qui permet l’accompagnement des jeunes trans à l’école, alors même que celle-ci a été écrite après le suicide d’Avril, 17 ans, dont la transition avait été refusée. Ils souhaitent imposer un suivi psychiatrique avant un traitement hormonal, ce qui viendrait à entrer dans la loi une psychiatrisation des personnes trans, à l’opposé des recommandations de toutes les associations de personnes trans et d’usagers.
Alors que l’accès aux soins trans est rare chez les mineurs, il deviendra encore plus difficile. Les personnes déjà psychiatrisées se verront elles refuser le traitement.
Ce que propose LR n’est que le début d’une offensive parlementaire. Si le débat est tourné sur les mineurs trans, la droite prépare le terrain pour contrôler les transitions jusqu’à 25 ans : une certaine insistance est faite sur les détransitions avant cet âge et l’argument selon lequel le cerveau n’aurait pas fini son développement avant 25 ans est repris plusieurs fois pour justifier l’interdiction des transitions. Ils appellent à la « prudence » pour les opérations de réattribution sexuelle. Et après 25 ans, quelle sera la prochaine limite qu’ils vont trouver ?
Le rapport est conclu par une liste de ce qui composera sûrement la proposition de loi : interdiction des soins hormonaux pour les mineurs, suivi psychiatrique imposé, interdiction de toute transition en milieu scolaire (abrogation de la circulaire Blanquer, interdiction de l’usage d’un nouveau prénom, de parler d’« enfants transgenres », d’utiliser les toilettes et vestiaires de son genre, des interventions à l’école comme de traiter le sujet en cours).
Interdire la transition, médicale et sociale, chez les mineurs : tel est le projet des Républicains. Un rapport du groupe LR au Sénat à propos de la « transidentification des mineurs » développe leur programme avant le dépôt d’une proposition de loi.
Ils ne veulent plus que les mineurs trans puissent exister : interdiction des soins hormonaux, psychiatrisation forcée et interdiction de toute transition sociale à l’école. Pire encore, cette proposition marque la volonté de la droite et de l'extrême droite de faire du sujet trans un sujet de bataille parlementaire, déjà entamée par le RN.
Ce rapport annonce en tout point la loi à venir : il s’agit d’un simulacre d’expertise. La droite veut apporter un bagage sérieux aux paniques morales contre les femmes et les jeunes trans, paniques morales qu’ils veulent transformer en articles de loi. D’expertise, il n’y en a pas : les spécialistes, qu’ils proviennent de l’associatif trans comme de la médecine, ont été quasiment absents alors que les psys et les militants antitrans auditionnés sont légion. Pire, le texte a été co-écrit avec les psychanalystes Eliacheff et Masson de l’association antitrans Observatoire de la Petite Sirène, proche de La Manif pour Tous.
Les bases scientifiques promues par LR sont erronées. Ils arguent qu’il y aurait une « augmentation des jeunes trans » dont la cause première serait les réseaux sociaux. Pourtant, cette théorie, le « rapid onset gender dysphoria » (ROGD), a toujours été réfutée par la communauté scientifique. Ils affirment que nombre de personnes trans regretteraient leur choix de transitionner, alors que les études convergent vers des chiffres en dessous de 5 %. Des études, comme la 2022 U.S. Trans Survey, qui compte 92 000 répondants, affirment que 98 % des personnes ayant suivi des soins hormonaux en sont satisfaites.
Les sénateurs ne savent décidément pas de quoi ils parlent : ils vantent les transitions comme un parcours facile, accessible, où les mineurs seraient opérés par légion. Pourtant, force est de constater que c’est le contraire : discriminations de toute la société, discriminations à l’accès, délais d’attente jusqu’à plusieurs années, prix élevés, produits inadaptés, ruptures de stock, conséquences néfastes sur les conditions de travail et le salaire.
C’est que le projet n’est pas d’écouter les spécialistes. Parmi les « experts » auditionnés, on retrouve pêle-mêle des associations anti-trans, des psychanalystes, des militants pour les thérapies de conversion ou des médecins ne prenant même pas en charge des personnes trans ; les seules associations féministes sont anti-trans, tout comme les associations internationales. Ces mêmes « experts » sont pour la plupart membres de tout un réseau anti-trans international.
S’ils voulaient vraiment écouter des médecins et experts, ils auraient attendu le rapport de la Haute Autorité de la Santé, qu’ils ont pourtant convoquée, ou celui de l’Académie Nationale de Médecine. Tout médecin reconnaissant la nécessité d’une meilleure prise en charge des personnes trans est discrédité sous le nom de « médecin transaffirmatif ».
À côté, les personnes trans ne représentent même pas 3 % des auditionnés. Quand l'Observatoire de la Petite Sirène s'est réservé l’audition de 16 membres d'associations antitrans françaises, seules 2 femmes représentent les associations trans, et personne la recherche trans. Les associations trans, comme les associations de médecins ne partageant pas leurs points de vue, sont ignorées et leur parole est d’office discréditée, car elles viendraient de « transactivistes » et de « transaffirmatifs » ; des néologismes inventés par les anti-trans pour nourrir un fantasme de complot.
Rendre ces paniques sérieuses, tout en discréditant et excluant l’expertise des associations et des recherches trans, est un passage nécessaire pour engager l’adoption de leur projet, tant à l’échelle parlementaire que médiatique. Ils veulent rendre inaudibles les personnes trans.
La droite ne se cache même plus : elle a théorisé une lutte contre l’« autodétermination ». Cette proposition de loi est dans la continuité des prises de position de la sénatrice à son initiative, Jacqueline Eustache-Brinio, qui a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG et souhaite revenir sur la loi interdisant les thérapies de conversion pour les personnes trans.
Leur but n’est pas de défendre les mineurs, mais de forcer le contrôle des corps. LR appelle à la suppression de la « circulaire Blanquer » qui permet l’accompagnement des jeunes trans à l’école, alors même que celle-ci a été écrite après le suicide d’Avril, 17 ans, dont la transition avait été refusée. Ils souhaitent imposer un suivi psychiatrique avant un traitement hormonal, ce qui viendrait à entrer dans la loi une psychiatrisation des personnes trans, à l’opposé des recommandations de toutes les associations de personnes trans et d’usagers.
Alors que l’accès aux soins trans est rare chez les mineurs, il deviendra encore plus difficile. Les personnes déjà psychiatrisées se verront elles refuser le traitement.
Ce que propose LR n’est que le début d’une offensive parlementaire. Si le débat est tourné sur les mineurs trans, la droite prépare le terrain pour contrôler les transitions jusqu’à 25 ans : une certaine insistance est faite sur les détransitions avant cet âge et l’argument selon lequel le cerveau n’aurait pas fini son développement avant 25 ans est repris plusieurs fois pour justifier l’interdiction des transitions. Ils appellent à la « prudence » pour les opérations de réattribution sexuelle. Et après 25 ans, quelle sera la prochaine limite qu’ils vont trouver ?
Le rapport est conclu par une liste de ce qui composera sûrement la proposition de loi : interdiction des soins hormonaux pour les mineurs, suivi psychiatrique imposé, interdiction de toute transition en milieu scolaire (abrogation de la circulaire Blanquer, interdiction de l’usage d’un nouveau prénom, de parler d’« enfants transgenres », d’utiliser les toilettes et vestiaires de son genre, des interventions à l’école comme de traiter le sujet en cours).
Si cette loi venait à être votée, il s’agirait d’un retour en arrière unique en Europe. Empêcher les transitions ne peut qu’avoir des conséquences néfastes, alors il faudra s’attendre au pire : hausse de la précarité, hausse des violences, hausse des suicides. À la droite qui veut polariser les jeunes trans, nous devons apporter une réponse unitaire pour l’amélioration des conditions des mineurs trans.