Exploitées, humiliées, les femmes trans
ensemble, révoltons-nous

8 Mars 2024

En France, selon une étude de BCG¹ sortie en juin 2023, 80 % des personnes trans ne sont pas out sur leur lieu de travail. Et pour cause, les personnes trans qui sont pleinement out sur leur lieu de travail ont pratiquement deux (2) fois plus de chances de vivre plus de dix discriminations au travail, parmi lesquelles mégenrage, découragement à faire son coming out, exclusion par les collègues, obligation d'utiliser certaines toilettes ou encore harcèlement sexuel. Aussi, 40 % des personnes trans interrogées ont dû, à un moment de leur carrière, quitter un poste à cause d'un « manque d'inclusivité » au travail.

Ces chiffres, bien qu'ils ne montrent pas les différences genrées, donnent des proportions à ce que vivent les personnes trans et en particulier les femmes : une véritable exclusion du monde du travail. Et ces discriminations sont on ne peut plus genrées : les femmes trans perdent en moyenne 31 % de leur salaire après leur transition contre une revalorisation moyenne de 10 % pour les hommes trans selon une étude de 2011².

En plus des discriminations vécues au travail et au recrutement, les femmes trans doivent faire face aux très nombreux obstacles qui barrent la route de leur transition : la rareté des médecins compétents, les délais d'attente de procédures de changement d'état civil judiciarisées et peu claires, la charge financière et le temps que prend chaque démarche est forcément un frein à la recherche d'emplois et le bon déroulement d'une carrière professionnelle. Transitionner demande beaucoup de ressources qui ne sont plus accessibles aux femmes trans lorsqu'elles sont privées de salaire à cause de l'exclusion du travail, exclusion du travail causée par la difficulté qu'elles ont à transitionner… et c'est dans ce cercle vicieux que beaucoup de femmes trans connaissent des carrières hachées, des petits salaires, des pensions dérisoires et des situations de précarité insupportables.

Et pourtant, nous l'affirmons : mettre fin à la précarité des femmes trans est à portée de main pour le gouvernement. Déjudiciariser les changements d'état civil, un plan de formation de professionnels de santé, un remboursement total des transitions, des congés spécifiques pour les transitions ou encore un plan de lutte contre la transphobie au travail, ce sont autant d'actions qui ne seront pas mises en place par ce gouvernement qui se réactionnarise et qui préfère écouter les discours antitrans plutôt que les associations communautaires.

Cette exclusion des femmes trans du travail est volontaire et systémique, les femmes trans sont, aux côtés d'autres minorités discriminées au travail, de la main d'œuvre bon marché qui constitue une armée de travail de réserve au capitalisme, nécessaire pour assurer sa pérennité.

Fort heureusement, nous ne sommes pas seules et nous ne sommes pas sans défense. Nous avons des outils et des intérêts communs qu'il nous faut absolument mobiliser avec les actrices et acteurs du mouvement social : pousser la porte des syndicats pour parler de nos conditions de travail et lutter ensemble, travailler main dans la main avec le mouvement féministe pour nos droits sociaux, conseiller les partis politiques pour que nos revendications soient portées dans la rue et les institutions. C’est autant de tâches que nous nous efforçons de mener à bien à l'OST, pour que toutes les femmes trans n'aient plus à vivre dans la peur de la précarité et des violences qui leur sont faites.

¹Étude de Bolton Consulting Group, 2023, lire sur https://www.tetuconnect.com/outwork-barometre-bcg-2023/.
²Kristen Schilt, Just One of the Guys ? Transgender Men and the Persistence of Gender Inequality, University of Chicago Press, 2011